Bolkestein

Publié le par France Républicaine

Par Rébecca FRASQUET

PARIS, 2 fév 2005 (AFP) - En remettant en chantier la directive sur les services dite Bolkestein , la Commission européenne a accédé à une forte demande du mouvement syndical européen, lequel ferraille depuis des mois pour obtenir une révision en profondeur de ce projet.

La Commission a fait savoir mercredi qu'elle entendait "construire" un consensus en travaillant avec le Parlement européen et les Etats membres afin d'élaborer d'ici juin une nouvelle version du projet de directive (loi européenne) visant à libéraliser les services.

Ce projet a suscité dès le début une levée de boucliers au sein des syndicats, en Allemagne, en France, en Autriche, en Suède et en Belgique notamment.

Son but est de supprimer les obstacles nuisant à la liberté d'établissement des prestataires de services au sein de l'Union, et de permettre la libre circulation des services en Europe, moyennant selon les syndicats, un alignement par le bas du droit social qui risque de s'avérer désastreux.

Le projet énonce ainsi le principe du "pays d'origine", posant que les entreprises de services, dans des secteurs tels que l'hôtellerie, le bâtiment ou la restauration par exemple, ne seraient plus soumis qu'à la législation de leur pays d'origine quand ils interviennent dans un autre pays de l'Union.

Ceci soulève des risques évidents de dumping social et fiscal, s'alarment les syndicats. "Imaginez un appel d'offres sur un chantier de construction: une entreprise portugaise soumissionne pour le gros oeuvre, une hongroise pour l'électricité, une polonaise pour la peinture... quel droit va-t-on appliquer aux salariés? français? portugais? polonais? hongrois?" s'inquiète Alain Olive, secrétaire général de l'Unsa.

"On est en plein délire: la directive, telle qu'elle était formulée, poussait à s'aligner sur le droit minimum pour tout ce qui est au coeur d'un contrat de travail: horaires, salaires, etc", poursuit-il.

Ainsi dans une lettre envoyée aux députés européens fin janvier, Jacques Voisin, secrétaire général du syndicat chrétien CFTC, jugeait-il que la directive, en "tournant le dos à tout effort d'harmonisation communautaire", programmait "le délitement du modèle social européen".

En outre, la directive ne précisait rien quant à l'application des règles sociales résultant de la négociation collective.

Les entreprises étrangères employant des travailleurs détachés n'auraient plus été tenues d'obtenir d'autorisation, ou d'être enregistrées sur le territoire national, ni même de déclarer leur présence, rendant le contrôle de leurs conditions de travail "plus qu'aléatoire", note la CFDT.

Dès le mois de juin, la Confédération européenne des syndicats (CES) avait demandé aux députés européens de modifier ce projet en profondeur, arguant que "la législation du travail et les conventions collectives ne peuvent pas être traitées comme des obstacles à éliminer".

Un marché intérieur européen des services ne doit pas être créé "au détriment des normes sociales, du droit du travail, des services d'intérêt général, de la santé et de la sécurité et des conventions collectives existant dans l'UE et au niveau national", affirmait-elle.

Mais le débat sur cette directive pointe un problème plus large: celui du déficit d'Europe sociale, estime Claude Emmanuel Triomphe, délégué général de l'université européenne du travail.

"On ne construit pas un marché concurrentiel efficient sans de solides institutions de régulation, même les plus libéraux en conviennent. Or les instances de régulation sociale font gravement défaut dans la construction européenne", a-t-il déclaré à l'AFP.

 

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