NON constitution européenne
Par Sophie MAKRIS
BESANÇON, 29 avr 2005 (AFP) - De gymnase en maison de quartier, devant dix ou cent personnes, des collectifs tentent de faire exister localement leur "non de gauche" à la Constitution européenne face au "rouleau compresseur médiatique du oui".
Nicolas Bultot a travaillé son traité constitutionnel en élève appliqué : grand cahier couvert d'une écriture soignée, stylo rouge pour les thèmes principaux, vert pour les mots-clefs, trois couleurs fluo pour faire ressortir les arguments phares contre le texte.
"Je ne suis pas spécialiste de ces trucs", justifie ce retraité de 65 ans qui anime la réunion du jour dans un quartier populaire de Besançon.
Ni spécialiste des questions européennes, ni tribun habitué des meetings, il est membre du "Collectif du Grand Besançon pour le non à la Constitution européenne", signataire de "L'appel des 200" lancé au niveau national par des personnalités opposées au traité.
L'appel a été signé par quelque 400 personnes à Besançon, mais seules une trentaine forment le noyau actif du collectif, généralement issues de formations politiques, syndicales, associatives, tendance PCF, LCR, ATTAC ou CGT.
Sans tête d'affiche, ni gros moyens, à coups de réunions de quartier, distributions de tracts et autres collages d'affiches, ils tentent d'occuper le terrain d'une campagne référendaire jugée déséquilibrée.
"Notre point de vue est écrasé par le rouleau compresseur médiatique du oui. Localement et nationalement, nos actions et nos arguments ne sont pas relayés, dénonce M. Bultot. Ceux qu'on voit défendre le non dans les médias, c'est Le Pen, De Villiers, Dupont-Aignan, il n'y a rien de mieux pour effrayer les gens de gauche tentés par le non !".
Un ancien conseiller municipal PS évoque "les pressions insupportables" exercées au sein de la municipalité socialiste de Besançon contre ceux qui expriment leur opposition à la Constitution . "Une affiche pour le non dans le centre-ville ne tient pas cinq minutes !"
Pour leur seconde réunion de quartier, les militants du non ne triomphent pas : sur une douzaine de personnes présentes, seules trois ne sont pas membres du collectif et sont venues pour s'informer. Rien à voir avec le succès remporté, une semaine plus tôt, par la conférence de Raoul Marc Jennar, juriste proche des altermondialistes, venu "démonter" le texte de la Constitution devant une salle comble.
"Je ne comprends pas pourquoi il y a si peu de monde ; en tractant dans le quartier, j'avais l'impression de prêcher à des convaincus", murmure un militant.
Qu'à cela ne tienne, la réunion du jour se transforme en "révision des fondamentaux" : Marie demande des éléments "courts et précis" pour défendre le non "auprès de ses voisins et dans le bus", un autre propose de réfléchir aux arguments "qu'on peut opposer à ceux qui veulent voter oui car l'Europe c'est la paix".
Les idées fusent, chacun prend des notes et complète son petit vade-mecum anti-traité.
Le groupe songe déjà à l'après-référendum, partagé entre visions d'apocalypse et de Grand Soir : "Si le oui l'emporte, ça va être la démobilisation des forces sociales, le gouvernement nous fera avaler tout ce qu'il veut. Si c'est le non, le collectif préfigure peut-être un rassemblement des vraies forces de gauche".